Management, l'art de responsabiliser ses collaborateurs
Comment entretenir de bonnes relations avec ses salariés ?
La réponse habituelle à cette question se traduit invariablement par une liste d’attitudes et de bonnes pratiques que doit maitriser le manager pour développer la motivation et la performance de ses collaborateurs.
Et la liste est de plus en plus longue : plus d’écoute, d’authenticité, de transparence, de reconnaissance, de tolérance, d’enthousiasme, de souplesse mais aussi plus de fermeté, de rigueur, de performance (parce qu’il faut quand même atteindre les objectifs !).
A croire que la qualité de la relation repose entièrement sur les épaules du manager. Et pourtant, le mot « relation » ne sous-tend-il pas qu’il faut être au moins deux ? Qu’en est-il du salarié ? A-t-il une part de responsabilité dans la relation qu’il entretient avec son manager ?
Nous connaissons la liste des reproches formulés par les salariés vis-à-vis de leur management :
- On nous en demande toujours plus avec moins de moyens.
- On me demande d’être polyvalent. J’ai signé pour un job, pas pour 5 !
- C’est toujours la faute à la crise si je n’ai pas d’augmentation.
- Mon patron n’arrête pas d’évoquer ce qui ne va pas, jamais ce qui va.
- Je suis mal employé, avec toutes mes compétences !
- On ne peut rien dire pendant les réunions, c’est toujours non !
Il est plus rare de lire des articles ou de découvrir des sondages sur les reproches que pourraient faire les managers à l’égard de leurs collaborateurs. Nous avons par conséquent effectué une petite enquête et vous en délivrons les principaux témoignages (anonymes, bien sur) :
- Quand je demande en réunion à mes collaborateurs de proposer des idées, personne ne parle.
- Ils n’osent pas avouer leurs difficultés, ils attendent qu’on le leur dise.
- Ils font de la rétention d’informations vis-à-vis de leurs collègues car ils ont peur de perdre leur pouvoir.
- Ils souhaitent avoir de nouvelles responsabilités mais revendiquent en même temps une augmentation de salaire.
- Ils critiquent les modes de fonctionnement mais ne proposent rien en retour au motif qu’ils ne sont pas chef !
Que l’on soit salarié ou dirigeant, la tendance naturelle est d’attribuer aux autres la responsabilité des difficultés de collaboration : « c’est pas moi, c’est l’autre ».
Lorsque l’on questionne deux protagonistes qui ont du mal à s’entendre, il est fréquent de constater qu’ils ont chacun partiellement tort et raison. Construire des relations positives et constructives suppose que chaque partie prenante en ait envie.
Pour se faire, il importe de comprendre les mécanismes sources de tensions ainsi que les postures à adopter pour instaurer des relations sereines et constructives, quels que soient les contextes.
Je ne suis pas votre père, vous n’êtes pas mes enfants, nous sommes tous des adultes.
Les modes d’organisation des entreprises induisent par défaut une relation parent/enfant. Le manager doit tout savoir, définir les règles de fonctionnement, fixer les objectifs, évaluer les résultats et attribuer (ou non) des récompenses. Il adopte ainsi la posture de parent.
Le salarié, quant à lui, doit respecter ce que lui demande de faire le manager. C’est d’ailleurs ce qui est précisé dans son contrat de travail. Il est donc positionné par défaut dans une posture d’enfant.
Si ce mode de collaboration a tout son sens dans une société basée sur le respect inconditionnel des règles de vie définies par l’autorité, il devient inopérant dans un monde centré sur la satisfaction de ses besoins personnels, la revendication de son bien-être et de sa liberté (de pensée, d’être, d’agir).
Il faut donc apprendre à passer d’un mode de collaboration parent/enfant à celui d’adulte/adulte ou chacun se sent responsable de ce qui lui arrive, aborde les sujets de manière objective, dépassionnée et prend en compte son environnement (forces, faiblesses, opportunités, menaces) dans ses prises de position et ses suggestions d’évolution.
Comme il est difficile de demander à un enfant (le salarié) de prendre l’initiative de cette nouvelle posture (adulte), il appartient au système dans lequel il évolue, représenté par le manager (parent), de l’y encourager et de créer les conditions de ce nouveau mode de collaboration.
Si le manager en a la responsabilité (permettre des prises d’initiatives, créer un climat de confiance), seul le salarié peut choisir d’adopter cette nouvelle attitude.
Pour y parvenir, le manager devra parfois abandonner sa posture de conseil pour endosser celle de « coach », de manière à développer l’apprentissage et la responsabilisation. Par exemple, quand un collaborateur lui soumet un problème, au lieu d’apporter une solution, il peut l’inciter à explorer et trouver une solution par lui-même en lui posant des questions du type :
- De ton point de vue, qu’est-ce qui est à l’origine du problème que tu rencontres ?
- Propose moi au moins 3 solutions à ce problème.
- Parmi ces 3 solutions, laquelle te semble la plus rapide, la plus simple et la plus réaliste ?
Dans le cas où le salarié refuse de répondre à ces questions, il met en évidence qu’il souhaite rester dans sa posture « d’enfant ». Il conviendra dans ce cas de le lui faire savoir ouvertement.
Ni Sauveteur, ni Victime, ni Persécuteur, SVP.
Tout le monde aspire à des relations sereines et constructives avec autrui, où nous sommes en confiance et où nous pouvons échanger et partager librement.
Force est de constater que la réalité est toute autre et qu’il est assez fréquent que certains échanges soient tendus ou évoluent en conflits. Dans ce cas, les protagonistes jouent 3 rôles : soit ils se positionnent en victime (c’est vraiment trop injuste !), soit en sauveteur (je ne peux pas laisser faire cela), soit en persécuteur (ca se fait pas !).
Rien de tel qu’une petite illustration pour comprendre ces 3 rôles :
Protagoniste | Discours | Rôle |
Salarié | Je n’ai pas été augmenté depuis 5 ans | Victime |
Délégué du personnel | Il faut que tu réclames une augmentation, c’est ton droit | Sauveteur |
Salarié au patron | Quand comptez-vous m’augmenter ? Cela fait 5 ans que je ne l’ai pas été | Victime |
Patron | Pas cette année, désolé | Persécuteur |
Salarié | Je vais en parler aux syndicats | Persécuteur |
Patron | Ce n’est pas de ma faute, c’est à cause de la crise | Victime |
Délégué du personnel | Très bien, attendez-vous à recevoir l’inspection du travail | Persécuteur |
Patron | Faites comme bon vous semble ! | Persécuteur |
Pour sortir des relations tendues, il suffit de repérer le rôle que l’on joue et celui joué par ses interlocuteurs, de les mettre en évidence, d’en expliquer les inconvénients et d’adopter une posture d’Adulte.
Plutôt que d’évoquer uniquement ce qui ne va pas, apprenez à reconnaître ce qui va déjà bien et échanger autour de ce qui pourrait aller encore mieux.
L’autre élément qui vient altérer la qualité de la relation tient dans la manière dont on va présenter la situation qui nous pose problème.
Echanger avec des amis ou des partenaires étrangers est riche d’enseignement. Il paraît que les Français sont les rois du pessimisme et de la critique négative. A tort ou à raison, il est vrai que nous avons tendance à communiquer, en cas de problème, essentiellement sur ce qui ne va pas.
C’est pourquoi nous conseillons aux managers d’évoquer la difficulté rencontrée en ayant au préalable, ou au même moment, pris le temps de présenter ce qui va bien et d’inciter ses collaborateurs à en faire de même.
La relation sera moins crispée et l’énergie concentrée sur la recherche de solutions car, d’un certain point de vue, il n’y a pas de problèmes mais des opportunités d’apprentissage et d’amélioration.
Désaccord ou malentendu ?
En plus de cette tendance culturelle, la plupart des tensions ou des conflits sont souvent le fruit de malentendus, d’incompréhensions et plus rarement de désaccords profonds.
Aussi importe-t-il de vérifier que ce qui semble être un désaccord n’est pas un malentendu. Pour ce faire, prenez l’habitude d’utiliser des techniques d’écoute active :
- Questionnement : « Qu’entendez-vous par là ? Que signifie pour vous … ? »
- Reformulation : « Si j’ai bien compris, votre problème c’est…. C’est bien cela ? »
Vous éviterez ainsi tout risque d’interprétation et pourrez vous concentrer, s’il s’agit bien d’un désaccord, sur la recherche de solutions.
L’art de ne pas avoir toujours raison
Une autre particularité bien française : le manager doit tout savoir et a toujours raison. Ce mode de pensée induit un rapport qui peut altérer la relation et provoquer le sentiment de ne pas être pris en considération : « De toute manière, ça ne sert à rien de lui parler, il a toujours raison ! »
En cas de désaccord, partez du principe que vous n’avez pas forcément raison pour laisser la place à l’échange, vérifiez que vous avez bien compris le point de vue de l’autre pour éviter les malentendus, recherchez avec la personne plusieurs options pour sélectionner la plus pertinente.
Soyez rassuré, rechercher l’accord ne signifie pas forcément le trouver. Avouez cependant qu’il est agréable de se sentir écouté et soyez certain qu’une personne qui se sent entendue appréciera de l’avoir été, quelle que soit la suite qui sera donnée à sa demande.
Selon certains sondages, une personne préfère s’entendre dire non que de ne pas avoir de réponse à ses questions. On dit d’ailleurs qu’un non donne de la valeur au oui. Il faut juste que le refus soit argumenté de manière factuelle et neutre.
Nous avons tous une part de responsabilité dans ce qui nous arrive dans la vie
Le plus important de tous les conseils pour établir une relation positive et constructive est de considérer que tout le monde a une part de responsabilité dans ce qui lui arrive dans la vie et à toujours le choix (de faire ou de ne pas faire).
Il existe deux manières de faire nos choix. La première consiste à choisir d’être heureux, la seconde à choisir d’éviter d’être malheureux.
Chaque personne est libre de faire ces choix. Il importe cependant qu’elle en assume les conséquences (posture d’adulte).
Pour sensibiliser vos collaborateurs et les amener à intégrer ce point de vue, vous pouvez utiliser cette petite métaphore :
Il existe un monde où cohabitent 3 espèces :
- Les requins qui considèrent que la vie est une jungle et qu’il est préférable de manger les autres pour éviter de se faire manger.
- Les carpes qui considèrent également que la vie est une jungle mais qui préfèrent fuir ou se soumettre pour éviter d’être dévoré par les requins.
- Les dauphins qui estiment que la vie est ce que l’on a envie qu’elle soit.
Instaurer de bonnes relations suppose d’adopter une posture de dauphin.
Certains l’auront probablement compris, la difficulté pour un manager n’est pas forcément d’adopter une nouvelle posture car il en voit très vite les conséquences positives. La vraie difficulté consiste à amener son collaborateur à « épouser » ce système de pensée et, subséquemment, de nouveaux comportements.
Il existe plusieurs manières d’amener un collaborateur à intégrer cette nouvelle attitude, dont une assez innovante et efficace : le faire participer à une journée de formation où il devra endosser le rôle de manager pour l’amener à prendre conscience des difficultés de cette responsabilité, une sorte de « vis ma vie de manager ».
Francis BOYER
spécialiste en conduite du changement et en management
consultant, formateur, coach et conférencier